Un des problèmes rencontrée en photographie sous-marine sans éclairage d'appoint est l'atténuation rapide de la lumière en fonction de la profondeur. Cette atténuation est due à l'absorption et à la présence de matière en suspension(1). L'absorption varie suivant la longueur d'onde. Ainsi le rouge disparaît au delà de 5 m, puis le jaune après environ 20 m, puis le vert à 40 m. Il ne reste alors que le bleu(2). La perte progressive de certaines longueurs d'onde entraîne, de facto, une perte de la luminosité globale.
La valeur de l'intensité lumineuse (irradiance) en fonction de la profondeur peut être estimée par la loi de Beer-Lambert(3)
avec :
Les valeurs de k et I0 dépendent des conditions locales et de la météorologie. Par ailleurs, il n'est pas aisé de définir une valeur pratique de mesure de la lumière. Il existe en effet plusieurs unités, suivant que l'on prenne en compte l'irradiance (énergie), la radiance (énergie angulaire), ou la luminance (sensation visuelle de luminosité)(8). Et il n'y a pas de méthodes simples et consensuelles permettant la conversion d'une grandeur ou d'une unité à l'autre(9).
Les photographes utilisent une unité simple appelée IL (indice de lumination) ou EV (exposure value). Il s'agit d'une valeur logarithmique de base 2 : une augmentation de 1 IL correspond à un doublement de l'intensité lumineuse, nécessitant un temps de pause deux fois plus court.
L'IL se calcule en fonction des valeurs optimales de temps de pause et d'ouverture de diaphragme déterminées par le posemètre de l'appareil, avec la formule suivante(4,5) :
(f1)
La relation entre la luminance et l'IL est la suivante :
(f2)
Une méthode simple permettant d'estimer la perte de luminosité sous l'eau consiste à immerger un appareil photographique à différentes profondeurs, en pleine eau, avec une orientation à peu près constante. Cette expérience a été réalisée le 29 mai 2021 à l'île de La Réunion (à E55.207°, S21.042°), de 9:40 à 10:00. Le temps était dégagé et la hauteur du soleil au dessus de l'horizon a varié entre 33 et 36°.
L'appareil utilisé était une caméra Gopro Hero 3+ paramétrée pour prendre une photographie toute les deux secondes. Elle était couplée à un profondimètre mesurant une profondeur toutes les 10 secondes. La profondeur maximale atteinte a été de 37.14 m.
Le programme exiftool permet ensuite d'extraire, à partir des données exif des photographies, un tableau contenant l'heure de prise de vue et la valeur d'IL, avec la commande(7) :
exiftool -DateTimeOriginal -LightValue -csv *.JPG > IL.csv
Le fichier ainsi crée et celui enregistré par le profondimètre sont traités avec R, qui, à partir des données horaires, va interpoler la profondeur de chaque prise de vue (fonction approx).
La diminution d'IL paraît suivre une progression linéaire, avec une perte de 1 IL (ou une division par deux de la luminosité) tous les 15.7 m, ce qui est cohérent avec la nature exponentielle de la loi de Beer-Lambert. Ainsi, une photographie en surface avec une sensibilité de 100 ISO pourra être prise avec une vitesse de 1/60ème de secondes pour une ouverture de diaphragme de 4. À 30 m, la sensibilité devra être poussée à 400 ISO pour conserver ce même couple vitesse/diaphragme.
La formule f2 nous permet de déterminer les valeurs de luminance correspondantes. Une interpolation avec la formule de Beer-Lambert permet d'obtenir les constantes suivantes :
Afin de nous affranchir de la question des unités, nous calculerons le pourcentage de la luminance à la surface, avec :
(f3)
Le report de la courbe d'interpolation montre une bonne cohérence avec les données. Nous pouvons ainsi prédire qu'à 100 m de profondeur, il ne reste plus que 0.9 % de la lumière visible.